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Une feuille de route pour la filière ferroviaire (Ville Rail & Transport - Mai 2019 – pp. 12 et 13)

Signée début avril, le contrat de filière ferroviaire s'engage sur 13 actions qui s'articulent autour de cinq axes . R&D, numérique, mise à niveau des PME, gestion prévisionnelle des emplois et compétences et enfin modernisation du réseau.

Se situant au troisième rang mondial, la filière ferroviaire française a de nombreux atouts... et des faiblesses, que relève le contrat de filière signé le 9 avril dernier : « manque d'ETI et de grosses PME, faible attractivité professionnelle, fluidité insuffisante entre les acteurs ». Le nouveau contrat tente d'y remédier.

Pour Philippe Delleur, senior vice-président Affaires publiques d'Alstom, et délégué permanent du Conseil stratégique de filière ferroviaire (CS2F), si le contrat repose avant tout sur les industriels, « il se fait aussi en étroite relation avec les exploitants ». L'ensemble des métiers du ferroviaire se trouvent ainsi dotés de leur « feuille de route ». Et, comme le souligne l'autre délégué permanent du CS2F, Jean-Pierre Audoux, délégué général de la Fédération des industries ferroviaire, ce qui compte avant tout, ce sont les engagements précis qui sont pris. Soit une liste de treize actions où l'on trouve, par exemple,  la « modélisation et prévision ferroviaire » ou la « gestion numérique des flux documentaires ». « Toutes n'ont pas la même maturité », commente Jean-Pierre Audoux, et, pour la plupart des cinq axes retenus — R&D, numérique, mise à niveau des PME, gestion prévisionnelle des emplois et compétences, modernisation du réseau — on peut dégager une action prioritaire, « en fonction de deux critères : un, ce qui est urgent et stratégique et, deux, ce qui est faisable dans un délai raisonnable».

Premier axe, la R&D. Il faut avancer sur les trains décarbonés (des trains à batterie ou des trains à hydrogène) et leur trouver aussi des débouchés. Mais l'action la plus emblématique, et l'un des projets-clés de l'Institut de recherche et technologie Railenium, est la réalisation du CEPCIE (Centre européen pour la précertification, l'innovation et les essais). Le centre doit être capable de mener tous types d'essais et  permettra de circuler à 160 km/h, au lieu de 110120 aujourd'hui sur la boucle de Petite-Forêt, à Valenciennes, dont il sera le développement, Le Centre d'essais permettra de s'affranchir aussi bien du réseau ferré national pour toute une partie des essais, que des centres d'essais existants comme Velim, souvent saturés. L'objectif est d'être prêt en 2023, pour tester les trains nouveaux attendus alors,.. Mais le tour de table n'est pas encore bouclé. Les financements de l'Etat, de SNCF Mobilités et d'Alstom et Bombardier sont assurés. On espère les Hauts-de-France, et des fonds européens. SNCF Réseau ne va pas participer au financement. Jean-Pierre Audoux parle de « quitte ou double » pour un projet à 70 millions d'euros.

Autre axe, le numérique. En ligne de mire, souligne Philippe Delleur, « un travail novateur afin d'établir la continuité numérique, pour introduire de la fluidité ». Ou, dit Jean-Pierre Audoux, « une maîtrise des flux d'info pour un bon interfaçage entre les donneurs d'ordre dans la supply chain », FerConnect, un démonstrateur, a été mis au point sous le pilotage de Jean-Pierre Auger, conseiller industriel de la FIF, avec cinq fournisseurs et trois donneurs d'ordre, L'objectif est d'industrialiser et de déployer la plateforme fin 2020.

Un troisième axe consiste à soutenir les PME, à les accompagner dans le développement, y compris à l'international, Car, selon le contrat, « les équipementiers de matériel roulant membres de la FIF ont réalisé en 2017 un chiffre d'affaires de 500 millions d'euros dont 37 % à l'international, contre trois milliards dont plus de 50 % à l'international pour leurs homologues allemands ». Un programme dit Care (Compétitivité accompagnement rail emploi) s'inspirant de la démarche Space de l'aéronautique a été testé dans les Hauts-de-France, avec des PME volontaires, un soutien du conseil régional et des industriels Bombardier et Alstom. Il s'agit, précise Philippe Delleur, « de soutenir les PME dans des problèmes d'organisation du travail, de structure financière, comme dans les sujets numériques ou, encore, afin d'aller à l'étranger ». L'objectif est de déployer un Care national, en  2020, Jean-Pierre Audoux souligne le vif intérêt de toute la filière pour le programme. Un premier comité de préfiguration de Care au niveau national était prévu le 13 mai.

Les deux derniers axes sont « un peu moins avancés », juge Philippe Delleur. À propos de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, le dirigeant d'Alstom fait un constat « qui n'est pas propre à cette industrie, mais qui y est particulièrement fort. D'une part, il s'agit de garder les compétences. Mais aussi d'attirer les jeunes, à qui on a des choses formidables à proposer », Et qui n'en sont pas toujours conscients... Ce qui concerne la gestion prévisionnelle des emplois et compétences est piloté par les organisations syndicales.


Dernier axe enfin, la modernisation du réseau ferré, concernant aussi bien les grandes lignes que les petites. Il s'agit de s'appuyer sur la nouvelle stratégie de SNCF Réseau, Portée par Patrick Jeantet, son président, elle consiste à développer le partenariat avec l'industrie. Ce qui a déjà été scellé par deux accords. Un protocole de formation de 200 ingénieurs et techniciens dans le domaine de la signalisation de décembre 2017 et, en février 2018, Digital Open Lab, programme qui vise à mettre à profit l'intelligence artificielle et à industrialiser les projets loT, pour réaliser des opérations de maintenance au bon endroit et au bon moment.  Une feuille de route est attendue avant la fin octobre 2019, afin d'accélérer l'industrialisation des innovations technologiques développées par les entreprises de la filière.