Louis Nègre, Président de la FIF : « Notre filière industrielle sait s’adapter aux évolutions conjoncturelle et structurelles ! » (BTP RAIL – N° 26 - Février/Mars 2019)
Loi d'orientation des mobilités, nouveau pacte ferroviaire, ouverture à la concurrence, digitalisation et modernisation du réseau... Il n'est pas usurpé de dire que le secteur ferroviaire vit aujourd'hui une période charnière, rencontre avec louis nègre, président de la FIF et témoin privilégié de la transformation de la filière.
BTP Rail : Monsieur le président, comment se porte l'industrie ferroviaire en ce début d'année 2019
Louis Nègre : L'industrie ferroviaire française se porte plutôt bien pour ce qui concerne le domaine de l'infrastructure, mais moins bien pour ce qui est du domaine du matériel roulant et de la signalisation qui connaissent une période de basses eaux. Il faudra attendre 20222023 pour voir l'activité industrielle du matériel roulant repartir de façon significative avec notamment les grands programmes de renouvellement du parc RATP, de la SNCF avec la nouvelle génération de rames TGV2020, sans oublier le Grand Paris Express...
BTP Rail : Quels sont les grands enjeux auxquels les entreprises françaises devront faire face demain ?
L.N. : Ils sont nombreux alors permettez-moi de vous dresser un sorte d'inventaire à la Prévert : le passage au rail 4.0 et plus généralement à l'industrie 4.0, la nécessité de développer de nouveaux «business models » avec SNCF Réseau, SNCF Mobilité, les autres opérateurs ferroviaires, et bien sûr les régions, la capacité à s'adapter à une concurrence mondiale de plus en plus présente, en particulier la concurrence asiatique...
BTP Rail : Lors du salon Sifer, votre fédération organisera un colloque autour de l'impact des réformes ferroviaires en cours. Pouvez-vous nous donner un avant-gout des thématiques que vous allez aborder ?
L.N. : Très volontiers. Au cours de notre colloque, nous souhaitons faire un tour complet des grands chantiers en cours pour la filière après avoir présenté le nouveau contexte ferroviaire avec la loi d'orientation des mobilités, le nouveau pacte ferroviaire et, en particulier, le transfert de compétence aux Régions et l'ouverture à la concurrence. Nous aborderons notamment les réflexions engagées dans le cadre du nouveau comité stratégique de la filière ferroviaire en matière de GPEC (ndlr : gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences), de digitalisation de la filière et de soutien aux PME-PMI y compris à l'international. L'innovation ainsi que la modernisation du réseau feront l'objet de deux tables rondes sans oublier les initiatives régionales visant à soutenir les PME-PMI. Il me semble crucial de montrer que la filière industrielle sait s'adapter aux évolutions conjoncturelles et structurelles en France, en Europe et dans le Monde afin de conserver sa place dans le trio de tête mondial.
BTP Rail : Concernant le financement du renouvellement du réseau ferroviaire, la Cour des comptes a récemment pointé du doigt l'insuffisance des investissements actuels. Vous partagez ce point de vue ?
L.N. : La France a enfin atteint un niveau d'investissement de régénération satisfaisant et il est important de le souligner. Certes, on pourrait être encore plus ambitieux... Cependant, il me semble nécessaire d'insister sur le fait que l'organisation des travaux actuels sur le réseau en exploitation est déjà suffisamment contraignante pour le gestionnaire d'infrastructures et les opérateurs, et qu'il n'est pas forcément opportun d'en augmenter le nombre. Faisons déjà bien ce qui est dans les tuyaux avant que de penser à aller plus loin.
BTP Rail : L'actualité aujourd'hui, c'est également le refus par Bruxelles de la fusion entre Alstom et Siemens. Regrettez-vous que ce projet d'Airbus du ferroviaire soit ainsi compromis ?
L.N. : Je n'ai pas en tant que président de la FIF à me prononcer sur les stratégies industrielles des entreprises de notre filière. Mais vous le savez, compte tenu de l'évolution de la mondialisation, je prône de longue date la création d'un Airbus du Rail. Pour cela, il va falloir déjà remettre à plat la vision de la Commission européenne pour laquelle le droit de la concurrence prime sur la politique industrielle.
BTP Rail : Promouvoir, représenter et défendre sont les trois piliers de la FIF. Quels sont les sujets sensibles remontés par la fédération auprès des instances nationales et des grands donneurs d'ordre
L.N. : Nous travaillons depuis plusieurs années en étroite coopération avec la Médiation de la filière ferroviaire pour instaurer au sein de notre filière des relations équilibrées entre fournisseurs et donneurs d'ordres. Je le répète, une filière ne peut exister sans des relations solidaires basées sur la confiance et le respect des différentes parties y compris - et peut-être même surtout - dans le cadre de relations contractuelles.
BTP Rail : Début mars 2018, la FIF a signé une charte de partenariat avec SNCF Réseau et l'IRT Railénium qui a donné naissance au Digital Open Lab. Où en est-on une année plus tard ?
L.N. : Nous avons lancé deux vagues de sprints pour tester des dispositifs proposés par les industriels. Les difficultés rencontrées (réseaux de transmission des informations et adaptation 'des dispositifs aux exigences techniques du ferroviaire) ont été surmontées grâce à un dialogue permanent et constructif entre les industriels et SNCF Réseau. Une troisième vague devrait démarrer très prochainement. Je me félicite en tant que président de la FIF de la diversité des sujets abordés dans le cadre de ce partenariat d'un nouveau genre qui préfigure des relations nouvelles au sein de la filière. Nous avons tous le même objectif: la performance de notre système.
BTP Rail : Quid également du partenariat noué entre SNCF Réseau, la FIF et le Serce en 2017 ?
L.N. : Ce partenariat avance mais pas aussi vite que je le souhaiterais. Il nous faut impérativement inventer un nouveau cadre de partenariat basé sur le travail en plateau commun, seul moyen pour faire monter l'industrie rapidement en compétence.