La maintenance prédictive est un enjeu clef pour la filière, désireuse de réduire ses coûts d'exploitation pour rester compétitive face à la concurrence. C'est un des thèmes du 11 e Salon de l'industrie ferroviaire, qui se tient à Lille jusqu'à jeudi.
Ouverture à la concurrence, révolution digitale, fragilité des modèles économiques. Confronté à des enjeux inédits et complexes, le monde ferroviaire qui se réunit à Lille jusqu'à jeudi à l'occasion du Salon international de l'industrie ferroviaire (Sifer), voit dans l'innovation une planche de salut. Comment réduire les coûts d'exploitation tout en renforçant la fiabilité du système après l'accident de Brétigny ? Comment doper la compétitivité et l'attractivité des 19.000 km de petites lignes dont l'exploitation coûte cher à la SNCF, faute de remplissage suffisant des trains ?
Longtemps restée expérimentale, la maintenance prédictive est une piste de développement stratégique. « Aujourd'hui, beaucoup d'incidents sont liés à des problèmes de rail, ou de caténaires, ce qui provoque des dysfonctionnements et des retards », note Jean-Pierre Audoux, délégué général de la Fédération des industries ferroviaires (FIF). On pourrait imaginer dans un avenir lointain d'avoir, à l'image de RTE sur le réseau électrique, l'état exact de l'infrastructure ferroviaire : une sorte de PC central qui permettrait de connaître en temps réel la provenance des pannes. Voire de pouvoir intervenir en amont pour les éviter.
Des capteurs sur les voies
Territoire clef dans le secteur ferroviaire, les Hauts-de-France font figure de laboratoire. A Hellemmes, près de Lille, la SNCF a profité de la rénovation de son technicentre pour en faire un atelier 4.0 labellisé « vitrine du futur ». Lancé il y a un an, le Digital Open Lab (DOL) lancé par SNCF Réseau, la FIF et l'institut de recherche technologue (IRT) Railenium à Valenciennes a aussi pour but de « faire naître des innovations via le numérique avec des expérimentations à partir de capteurs déployés sur de petites portions du réseau pour y récolter tous types d'informations que ce soit l'état des rails, des aiguillages ou la charge supportée sur les voies », selon Eric Trégoat, directeur de Railenium. Des projets baptisés « Sprint », car ils doivent être opérationnels dès fin 2019. Le « Sprint » le plus abouti porte sur la surveillance via des capteurs de la consolidation des rails en cas d'intervention de type éclissage (assemblage de deux rails). Cela afin d'éviter de limiter la vitesse du train lors des premiers passages.
D'autres « Sprint » concernent la surveillance des pompes de relevage des niveaux d'eau (pour prévenir les risques d'inondation), le suivi des signaux d'alerte sur les chantiers (pour penser à les retirer quand le chantier est fini), le repérage des défauts sur les caténaires. Une vingtaine d'entreprises sont déjà mobilisées comme Nexans, Vossloh Cogifer, spécialisé dans la fabrication des coeurs de voie (aiguillages), FS Group à Strasbourg spécialisée dans la signalisation ou Saferail, à Nantes qui étudie la conception d'objets connectés dans la signalisation.
Les constructeurs ne sont pas en reste dans ce domaine. Siemens Mobility a développé des applications, telles que la surveillance des aiguillages bloqués (déployée en Allemagne) ou encore la prévention des pannes à venir (sur les portes de train en Grande-Bretagne). Le Français Alstom travaille aussi avec des start-up, comme Cosmo Tech (maquettes virtuelles). « Cela pour arriver à des niveaux de modélisation les plus optimisés possible, que ce soit pour nos matériels roulants, nos systèmes d'électrification ou de signalisation », indique Jean-François Beaudoin, senior vice-président chez Alstom digital Mobility.
Nicole Buyse