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lntercités : la grande peur d'un appel d'offres (La Lettre confidentielle Ville Rail & Transports - numéro du 25 janvier 2016)

Rendez-vous le 18 février a répondu Alain Vidalies, le secrétaire d'Etat aux Transports, au député Les Républicains Frédéric Reiss. Le député du Bas-Rhin s'inquiétait dans une question posée le 20 janvier au gouvernement de futures commandes de nouveaux trains... lntercités.

Le 18 février, donc, le gouvernement devrait présenter une nouvelle feuille de route pour les TET. A cette occasion, Emmanuel Macron et Alain Vidalies devraient trancher entre deux options : l'utilisation des contrats-cadres TER ou un nouvel appel d'offres. Voire combiner les deux. Alain Vidalies a rappelé dans sa réponse à Frédéric Reiss les difficultés juridiques que pourrait poser le recours aux contrats-cadres Régiolis (Alstom) et Regio 2N (Bombardier) pour un matériel nouveau, aux caractéristiques différentes d'un TER, notamment en termes de vitesse. Question en cours d'examen à la DGITIM, la Direction générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer du ministère du Développement durable.

En fait, selon un article du Figaro paru le 20 janvier au soir, le ministre aurait d'ores et déjà tranché. Et le gouvernement s'apprêterait à lancer un appel d'offres.

« Si cette information était confirmée, ce ne serait pas une bonne nouvelle », dit VR&T Jacques Beltran, directeur Commercial France d'Alstom. Qui plus est, il juge « fausse », l'estimation rapportée par Le Figaro, selon laquelle le décalage entre une levée d'options et une nouvelle commande serait de 18 mois seulement. Selon lu¡, « la conception d'un nouveau train prendra au moins trois ou quatre ans de plus. Il faut en effet, rappelle-t-il, tenir compte d'abord du délai de définition du besoin par SNCF, de rédaction, de lancement et de déroulement de l’appel d'offres, des études de conception des constructeurs afin de répondre à ces besoins, et enfin du temps d'homologation des matériels »

Conclusion: « En cas de levée d'option, les premiers trains pourraient arriver dans trois ans, dans l'autre cas il faudrait attendre six ou sept ans ». Délai qu'on peut même juger optimiste, la SNCF, sur son site allant jusqu'à estimer à près de huit ans (91 mois) la mise au point d'un nouveau train.

Des sites d'Alstom ou de Bombardier, dont le plan de charge s'effondre â partir de 2017, seraient en ce cas menacés. On évoque surtout l'usine Alstom de Reichshoffen (Bas-Rhin).

Laurent Bouyer - qui a pris le 1er janvier ses fonctions de président de Bombardier Transport France - précise avant tout qu'il « n'est pas sûr qu'il y ait un appel d'offres, et que la décision du gouvernement soit vraiment prise ». Mais, en cette hypothèse dit-il diplomatiquement il serait «un peu déçu ». Car des produits nouveaux - Régiolis et Regio 2N – « ont été mis sur le marché à la suite de beaucoup d’investissements publics de la part de I'Etat comme de la SNCF. Le développement d'un train c'est 300, 400 ou 500 millions. Il serait plus intéressant de poursuivre sur les plateformes ». Laurent Bouyer estime d'autre part qu'un appel d'offres s'annoncerait complexe, et serait « à géométrie variable, car un train pour Paris - Caen - Cherbourg ne sera peut-être pas de même nature que certains trains conçus pour d'autres lignes analysées dans le rapport Duron ».

Une telle décision, qui irait selon lui « à l'encontre de la dynamique jusqu'à présent observée d'utiliser les plateformes, ferait qu'il n'y aurait pas de TET avant 5 ou 6 ans, alors qu'autrement on s'inscrit dans la continuité de la chaîne industrielle. Toute la supply chain serait affectée. Et, si à l'issue de cet appel d'offres Bombardier était retenu, cela ne résoudrait pas le problème de plan de charge qui se présente entre 2017 et 2019 ».

Analyse proche de celle d'Eric Tassilly, PDG de Knorr-Bremse France. Lui aussi estime que « si tous les ministères ne sont pas alignés, on peut redouter le lancement d'un appel d'offres. On le regrettera, dit-il, au niveau de la FIF et de Fer de France, qui ont sensibilisé les pouvoirs publics sur Ie creux de plan de charge à partir de 2017 ».

Et, précise-t-il, si la situation est critique pour les intégrateurs, elle ne peut manquer d'avoir des conséquences très dures pour les équipementiers. Quant à I ‘invite qu'on fait aux industriels de partir â la conquête des marchés internationaux où le transport est en pleine croissance, elle est un peu courte quand on a des sites à faire tourner en France, puisque « dans le monde entier on est face à l’exigence de localisation de la production ». Lui aussi, « en temps que contribuable », se demande s'il est bien judicieux de dépenser plusieurs dizaines de millions d'euros pour développer une nouvelle platefome.

Le malheur des uns fera-t-il le bonheur des autres ? CAF ou Siemens devraient se féliciter du lancement -hypothétique - d'un appel d'offres qui leur donnerait de nouvelles chances sur le marché ferroviaire français. Tous deux ont des trains Intercités déjà développés. Ils n'auront pour autant pas partie gagnée, les particularités nationales, qui sont un des obstacles énormes au développement du ferroviaire, font qu'il n'est jamais question d'acheter un train sur étagère...

Surtout, pour de mauvais esprits, la vraie raison d'un choix gouvernemental en faveur d'un appel d'offres serait de gagner du temps sur les investissements à consentir, aujourd'hui estimés à 1,5 milliard d'euros. « La SNCF a peu d'appétence, I'Etat procrastine », résume un observateur. C'est aussi la crainte d'un de nos interlocuteurs : « En terme d'aménagement du territoire, on peut se poser des questions sur la volonté de I'Etat de maintenir en vie les TET qui, en l'attente d'un renouvellement une fois de plus différé, risquent d'attirer de moins en moins de monde ».

F. D.