Ville, Rail & Transports. Le contexte des attentats a changé la nature et la tonalité de la campagne pour les élections régionales. Mais, si l'on… en revient aux programmes on observe que les candidats ont fait des transports une priorité, tout particulièrement en Ile-de-France. A la veille du deuxième tour, quelle est la position de la FIF sur les programmes d’investissements franciliens des principaux candidats ?
Jean-Pierre Audoux : Tout d’abord, permettez-moi de rappeler l’importance stratégique pour la filière industrielle ferroviaire des commandes passées par le Stif en partenariat avec la RATP et la SNCF. Cela vaut aussi bien pour les infrastructures, la signalisation et le matériel roulant. Les marchés ferroviaires franciliens peuvent représenter certaines années jusqu’à 40 % du CA de l’industrie ferroviaire réalisé sur le marché français !
La FIF considère que la modernisation des matériels roulants et de l’infrastructure doit constituer une priorité essentielle pour la région capitale. S’il y avait quelques doutes à ce sujet, le dernier rapport de
l’EPFL publié en début d’année les aura dissipés. Le constat qu’il effectue recoupe sous une autre forme celui fait par les usagers, notamment exprimé par la Fnaut. Le réseau actuel n’est plus en mesure de rendre les services qui en sont attendus.
VR&T. A supposer que les questions de financement soient résolues, on peut se demander si la filière ferroviaire pourrait répondre aux commandes massives annoncées par Valérie Pécresse, ou par Claude Bartolone. Qu’en pensez-vous ?
J.-P. A. : Il est clair que les ambitions affichées – ne serait-ce que par les deux principaux candidats – sont considérables et que leur réalisation constitue un défi pour notre filière. Un défi certes, mais qui est loin d’être insurmontable.
Pour ce qui est de la capacité de notre filière à répondre à ce défi industriel, je rappellerai tout d’abord que nous avons, en France, les leaders européens ou mondiaux de l’industrie ferroviaire. J’y inclus bien sûr les activités de travaux de voie et de l’ingénierie.
Par ailleurs, quel meilleur exemple que celui de l’année 2013 pour faire taire les incertitudes des capacités de notre industrie à faire face aux ambitions affichées : au cours de 2013, nos sites industriels ont réussi à produire simultanément 88 rames de métros ou RER, 36 rames TER, 6 rames de tram-train et 126 tramways.
Or, vous le savez, notre industrie va être confrontée dès 2017 à un énorme creux de charge et ce, jusqu’en 2020, voire 2021. Comment, dès lors, imaginer que notre filière industrielle n’aurait pas un outil dimensionné pour relever ce défi ? Son souci actuel est moins sa capacité « à faire » que son absence de visibilité en matière de plan de charge pour les prochaines années.
VR&T. Certains candidats – à commencer par celui du Front national, présent au deuxième tour – proposent de renoncer au projet de Grand Paris Express pour se consacrer uniquement au réseau existant. Qu’en pense la FIF ?
J.-P. A. : Le besoin de rénovation du réseau francilien est indiscutable et indispensable. La FIF n’a cessé de le souligner ces dernières années. Nous sommes conscients des difficultés majeures que rencontre notre pays pour financer ses investissements d’infrastructure. Nous avons donc proposé au ministère de l’Economie, au ministère des Transports et à SNCF Réseau la mise en oeuvre, à titre expérimental, de partenariat public-privé sous forme de conception-réalisation, voire de conception-réalisation-maintenance, afin de moderniser le réseau rapidement et à moindre coût.
Nous croyons en cette démarche car elle nous paraît constituer la seule option envisageable pour sortir de l’impasse financière actuelle. Il est urgent de prendre une décision parce que, comme l’a souligné l’audit de l’EPFL de 2015, les premiers effets globaux et durables ne pourront guère se voir avant dix ans environ !
Pour ce qui concerne le Grand Paris, c’est un projet structurant d’aménagement du territoire dont la remise en cause me semble incompréhensible. Au-delà du simple aménagement du territoire, ce projet permettra de créer ou de maintenir l’équivalent annuel de 6 000 emplois dans la filière (qui en compte aujourd’hui 30 000 en France). Qui plus est, à travers les innovations technologiques que sous-tend ce projet, c’est une vitrine exceptionnelle pour notre pays, notre savoir-faire et notre rayonnement à l’international qui va pouvoir ainsi être constituée. Et ceci ne concerne bien sûr que la filière industrielle ferroviaire… d’autres filières, le bâtiment, les TP… sont également concernées.
La FIF soutient aux côtés de nombreuses fédérations professionnelles la démarche lancée de la CCIP de lancer la plateforme des investissements du Grand Paris, qui permettra d’aider les industriels grands donneurs d’ordre, les PME-PMI de la filière, à se positionner sur les différentes phases des travaux.