Le délégué général de la Fédération des industries ferroviaires (FIF) confirme que l'industrie ferroviaire française est à la recherche d'un second souffle. Pour revenir à l'âge d'or qu'a connu cette filière dans la seconde moitié des années 2000, la FIF préconise la mise en place de mesures dynamiques à même de lui permettre de consolider son troisième rang mondial à l'horizon 2020.
La France est au troisième rang mondial des industries ferroviaires. Quelles sont ses forces et ses faiblesses?
Effectivement, sur un marché mondial du ferroviaire de l'ordre de 130 milliards d'euros et en progression moyenne de 5% par an, la France occupe la troisième place mondiale derrière la Chine et l'Allemagne. Son chiffre d'affaires s'établit à 5,1 milliards d'euros dont le quart réalisé à l'export. Elle dispose des principaux leaders européens sur son territoire. Au fil des années, elle a su également étoffer son offre sur une grande partie des segments du marché dont les tramways et les métros automatiques. C'est notamment dans ces secteurs qu'elle a su faire preuve d'innovation en développant, par exemple, le système d'alimentation par le sol (APS) pour les tramways. Surtout, elle bénéficie d'un soutien politique très fort depuis quelques années. Avec un effectif de 21 000 salariés, elle fait partie des filières d'avenir au même titre que l'aéronautique ou l'automobile. Même si elle a acquis cette notoriété dont elle ne bénéficiait pas encore, l'industrie ferroviaire française reste handicapée par la taille de ses équipementiers. Contrairement à l'Allemagne qui chasse en meute avec des sociétés de toutes tailles, nous souffrons d'un déficit d'entreprises de taille intermédiaire (ETI) et d'équipementiers capables d'aller à l'international. Celles-ci sont, en particulier, handicapées par l'insuffisance de leurs fonds propres. Nous avons également des faiblesses pour disposer d'informations partagées en temps réel entre toutes les entreprises concernées - depuis le constructeur jusqu'au sous-traitant - lors de la réalisation de projets. Enfin, nous ne sommes pas suffisamment performants quant au respect des délais de livraison et de fiabilisation des matériels avant mise en service.
L'industrie ferroviaire française n'est-elle pas trop dépendante de son propre marché?
C'est vrai que cette industrie est devenue plus dépendante des commandes hexagonales ces dernières années. D'ailleurs, la part réalisée à l'international a diminué de 10 points depuis 2000. L'explication tient à plusieurs facteurs. Nous avons, en effet, connu une forte expansion des livraisons de matériels régionaux et urbains pour le marché français. Mais la SNCF et les régions ont donné un coup de frein dans leurs plannings de renouvellement des matériels entre mi-2009 et l'année suivante. Ceux qui en ont le plus souffert, ce sont les équipementiers de rangs 3 et 4 qui ont dû faire face à la fois aux effets brutaux de ce ralentissement et à la pression concurrentielle croissante des pays émergents, à commencer par la Chine. Les constructeurs ont également dû se plier aux exigences des pays émergents, disposant déjà d'une industrie ferroviaire, de faire construire leurs matériels sur place.
Quelles sont les perspectives à court et moyen terme et se dirige-t-on vers une même stagnation qu'en 2012 ?
C'est la première fois depuis des années que l'industrie ferroviaire française enregistrera une baisse de son chiffre d'affaires en 2013. Liée en grande partie au creux des livraisons du matériel roulant, ce recul devrait être significatif tout en restant potentiellement à un chiffre. Incontestablement, la France est à la recherche d'un second souffle sur le marché national. Les nouvelles commandes se font attendre. Au plan international, nous avons perdu des parts de marché face à des concurrents comme la Chine qui n'étaient même pas présents à l'export il y a dix ans. Ce pays réalise aujourd'hui 6 milliards d'euros à l'international alors que la part de la France n'excède pas désormais 1,2 milliard d'euros. Pour autant, les livraisons vont reprendre en 2014 et 2016 avant de subir une nouvelle baisse l'année suivante si les levées d'options pour les matériels TER et Transilien ne sont pas exercées. Il faudra également attendre quelques années avant que les commandes ne soient effectivement passées pour les rames devant équiper le futur réseau du Grand Paris. Ces matériels livrables à partir de 2019/2020 auront un fort impact sur le niveau d'activité de la filière ferroviaire. Ils devraient, en effet, représenter l'équivalent de 6000 emplois pendant une bonne dizaine d'années.
Les industriels de la voie peuvent-ils être optimistes?
L’évolution s'annonce très contrastée à court terme entre les chantiers de lignes à grande vitesse et ceux liés à la rénovation du réseau existant. En effet, les quatre chantiers LGV en cours seront tous achevés en 2016/2017 tandis que ceux concernant le réseau classique se poursuivront tout en s'amplifiant. Les industriels devraient bénéficier des décisions prises en la matière puisque la SNCF et Réseau ferré de France (RFF) porteront leurs investissements sur le réseau classique de 1,9 milliard d'euros à 2,5 milliards d'euros au cours de la période 2013- 2020. Cependant, les marges ont été comprimées ces dernières années du fait de l'intensification de la concurrence espagnole, italienne et autrichienne sur la réalisation des travaux de voie. La mise en concurrence est donc sévère pour les sociétés françaises.
Comment se présentera l'industrie ferroviaire française en 2020 ?
Nous avons remis au ministre de l'Industrie en avril 2012 le projet de rapport final du comité de pilotage «Ambition 2020». Celui-ci est assorti de vingt-quatre propositions de chantiers pour assurer l'avenir de notre filière. Ces chantiers ont pour objectif de permettre à la France de consolider son troisième rang mondial derrière la Chine et l'Allemagne et devant la Russie. Ses exportations à partir de la France seront, à ce moment-là, au même niveau que son marché domestique, soit de l'ordre de 3 milliards d'euros. L'industrie ferroviaire contribuera, ainsi, à améliorer la balance du commerce extérieur de la France de 1,5 milliard d'euros.
En marge des 2 à 3000 emplois supplémentaires créés à cette échéance, ce plan vise à aboutir à la consolidation de notre filière avec la création d'une nouvelle ETI performante sur les marchés mondiaux et la structuration de cinq ou six clusters pertinents à la vocation définie (viviers de groupements) et d'un ensemble de PME performantes.
Dossier réalisé par Olivier Constant