A Valenciennes, trois interlocuteurs face aux industriels (Ville & Transports 29/01/2013 – p59)
L'industrie ferroviaire cherchait un interlocuteur. Elle en a trouvé trois. La Fédération des industries ferroviaires (FIF) n'avait pas réussi à retenir l'attention d'Eric Besson, le ministre de l'Industrie du gouvernement précédent, à qui elle avait remis en avril 2012 son document d'organisation de la filière, Ambition 2020. Mais, le vendredi 11 janvier, pour la réunion du Comité stratégique de la filière ferroviaire, Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif, Nicole Bricq, la ministre du Commerce extérieur, et Frédéric Cuvillier, le ministre des Transports, se sont rendus à Valenciennes.
Le secteur ferroviaire national a tout pour retenir l'attention d'un Montebourg apôtre du patriotisme économique et de la réindustrialisation, Jean-Pierre Audoux, le délégué général de la FIF, se réjouit donc de « la volonté de montrer que la filière est prise tout à fait au sérieux ». Et, ajoute-t-il, « ce n'est pas un discours de façade. » Au programme de la journée, la visite d'une PME spécialiste de la tôlerie fine ou de la tôlerie structurelle en matériaux métalliques travaillant pour le ferroviaire (mais aussi le nucléaire ou la défense) : le groupe Deprecq (160 personnes, 18 millions de CA sur deux sites, Raismes et Saint-Amand-les-Eaux), dont la présidente, Antoinette Cousin, est vice-présidente de l'AIF (l'Association des industries ferroviaires du Nord-Pas-de-Calais). Symbole d'une PME performante directement exposée à la mondialisation et partie prenante de la politique de cluster. Deuxième étape de la journée, la réunion du comité stratégique de filière, dans l'usine Alstom de Petite-Forêt, où Arnaud Montebourg a eu le plaisir d'être accueilli par des hôtesses en marinière, «emblème du redressement productif », a-t-il souligné. Un ministre les yeux fixés sur la «nouvelle ligne bleue des Vosges » qu'est selon lui le déficit commercial. Il y a urgence, puisque, souligne Henri-Poupart-Lafarge, le patron d'Alstom Transport, « les carnets de commande se vident », et qu'il s'agit de renforcer la compétitivité.
Pour le gouvernement, dans chaque filière, le ferroviaire comme lés autres, le maître mot c'est l'innovation. Dans l'automobile, cela prend la forme de l'impératif fixé par le Premier ministre, de proposer d'ici 2020 une voiture consommant 2 litres aux 100 km.
Dans le ferroviaire aussi, face à des concurrents chinois, dont certains à peine nés dépassent les constructeurs européens, la différence peut venir de l'innovation. Pour l'organisation de la filière, on sait qu'en France les entreprises de taille intermédiaire (ITE) font cruellement défaut. Pas si simple de combler le trou entre les énormes donneurs d'ordre (Alstom, Bombardier) et des PME dont la concentration est ralentie par des questions de capital familial. Le gouvernement mise donc sur une dynamique de clusters. Et comme il donne le coup de pouce attendu aux vues de la Fédération des industries ferroviaires, en aidant à la structuration de la filière, notamment par la création d'un fonds de modernisation des équipementiers ferroviaires, et comme le gouvernement lance un appel à manifestation d'intérêt avec une enveloppe de 40 millions d'euros « pour soutenir la recherche et développement et la production des projets les plus innovants », en échange, il fixe un cap à l'industrie. Une réalisation phare, emblématique de l'innovation : le TGV du futur, qu'Arnaud Montebourg demande pour 2018. Car faire la course en tête semble la seule stratégie pour ne pas être éliminé.