Alerte à Bâle III ! (Ville Rail & Transports – 14/12/2011 – p. 14)
Les nouvelles normes bancaires internationales Bâle III risquent de se traduire par un assèchement du crédit. C'est la crainte de Jean-Pierre Audoux, délégué général de la Fédération des industries ferroviaires. Très mauvaise nouvelle pour les projets ferroviaires du Snit, et pour une industrie dont les perspectives sont redevenues sombres.
L’horizon de l'industrie ferroviaire s'assombrit. En tout cas sur le marché français. Selon Jean-Pierre Audoux, délégué général de la Fédération des industries ferroviaires (FIF), dès 2012, les signaux négatifs s'accumulent et, en 2016, c'est quasiment le vide des commandes. Déjà, un événement majeur pourrait changer la donne des financements. La réforme du secteur bancaire Bâle III, dans laquelle le secrétaire général de la FIF voit un « véritable tsunami ". Principe de Bâle III: renforcer le niveau et la qualité des fonds propres des banques. Effet redouté: « les grandes banques françaises vont devoir multiplier par trois leurs fonds propres d'ici à 2016, la structure de leurs prêts va s'orienter essentiellement sur le très court terme et le crédit va très vite s'assécher ", s'alarme Jean-Pierre Audoux. Or, « la composante ferroviaire du Snit (100 milliards d'euros d'investissements hors Grand Paris) est censée être financée à 80 % par des contributeurs autres que l'Etat ou des collectivités locales ". C'est-à-dire par des PPP, dans lesquels les banques occidentales vont de moins en moins se risquer.
Si les grands projets sont plombés, le plomb est plus noir encore pour les commandes de matériel roulant. Passage en revue, secteur par secteur.
• Tramway. Sans faire exception, le matériel urbain ne sera, lui, pas le plus mal loti. C'est du moins, selon le délégué général, « la moins menacée de toutes les activités ... qui sont toutes menacées ".
• Fret Là, c'est clair, « il n'y a plus rien ", et cela va vite se concrétiser. 2011 verra la fin de livraison des locomotives diesel Alstom-Siemens. Après, c'est le désert.
• Trains d'équilibre du territoire (TET). L’Etat s'est engagé à verser 300 millions d'euros pour la rénovation des trains Téoz, Lunéa, ou Corail. Mais la somme ira à la SNCF et donc d'abord à ses ateliers ... "Les retombées pour les entreprises industrielles du secteur privé seront de ce fait mineures ", regrette Jean-Pierre Audoux. Et, pour la suite, « l'Etat a annoncé un effort considérable de renouvellement du parc à partir de 2014-2015, représentant au minimum un milliard d'euros. Mais on peut s'interroger, compte tenu de la crise, sur ce qu'il va en advenir ».
• TER. Les deux matériels commandés, le Régiolis à Alstom, le deux-niveaux à Bombardier, pouvaient atteindre, compte tenu des options, 1 860 unités. Certes, ce nombre semblait déjà bien optimiste à la signature des marchés. Reste qu'on en est très loin, puisque les commandes passées atteignent 260 unités. Or, selon Jean-Pierre Audoux, les constructeurs" se sont calibrés pour des commandes plus importantes, et le point mort doit s'établir entre 400 et 500 unités pour chaque matériel ". On ne voit pas trop comment les régions, maintenant que l'Etat, en supprimant la taxe professionnelle, a amputé leurs recettes, pourraient aller nettement au-delà de ce qu'elles ont commandé.
• TGV. L’Etat a tranché plutôt en faveur de RFF, en décidant une hausse substantielle des péages dans les années à venir. La SNCF dit qu'elle doit complètement revoir le modèle économique. Sa menace : une limitation des dessertes TGV aux LGV. Dans une telle logique, on n'a plus besoin que de 300 rames. La SNCF ira-t-elle au bout de cette logique? Cela ressemble plutôt à un argument massue dans une discussion serrée avec l'Etat. Toujours est-il qu'après la dernière rame TGV de la série livrée pour le Rhin-Rhône, plus rien n'est attendu.
Résultat des courses: en 2016, les industriels du ferroviaires redoutent, selon leur délégué général, de «ne réaliser plus qu'un quart ou un tiers du chiffre d'affaires actuel sur le marché français; soit 500 à 700 millions pour deux milliards aujourd'hui ». Cette perspective, se désole Jean-Pierre Audoux, «contraste fortement avec notre volonté collective de faire de la filière ferroviaire industrielle française une filière des plus performantes au niveau mondial".
F. O.